Le 19 janvier dernier le monde du design, de l’architecture et de la décoration a perdu une de ses figures emblématiques : Andrée Putman, designer et architecte française, connue pour le style sobre et élégant de ses créations.
1. La famille et la jeunesse d’Andrée Putman
2. Les débuts d’Andrée Putman
3. La révélation de l’Hôtel Morgans
4. Les appartements d’Andrée Putman
5. Le Studio Putman
1. La famille et la jeunesse d’Andrée Putman
Andrée-Christine Aynard est née à Paris, en 1925 dans une famille bourgeoise d’origine Lyonnaise, dont plusieurs de ses membres se distinguent soit par leur ascendance – la grand-mère d’Andrée était une descendante de la famille des frères Montgolfier, inventeur du ballon à air chaud (dans la région où est implantée d’ailleurs l’usine de Novoceram), soit par leur travail – son grand-père a fondé la banque Maison Aynard&fils. Elle passe ses grandes vacances estivales à l’Abbaye cistercienne de Fontenay, qui servait autrefois d’atelier aux frères Montgolfier. Géométrie des lieux, perspective, absence de couleurs, jeux de lumière ont marqué alors son regard.
2. Les débuts d’Andrée Putman
Son père normalien, austère et reclu, et sa mère, concertiste, lui avaient réservé un destin tout tracé comme pianiste. Malgré un vrai talent pour la musique, reconnu par le Premier Prix d’Harmonie du Conservatoire que lui décerne Francis Poulenc, Andrée se voit mal se couper du monde pour étudier la musique derrière son piano. Elle se détourne alors pour s’engager comme coursière pour le magazine Femina, puis collabore avec de prestigieux magazines comme Elle ou L’Oeil, où elle a poursuivi d’affiner sa perception de l’art. Elle côtoie alors des personnages qui ont marqué cette époque, comme Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Juliette Gréco. Tout en restant discrète et réservée, elle se sent proche de ces artistes, alors incompris pour leur façon de vouloir sortir des sentiers battus…comme elle. Attentive à ce qui l’entoure, très sensible au milieu artistique dans lequel elle a baigné toute son enfance, elle parvient à déceler la nouveauté et le potentiel des créations d’alors.
Son mariage dans la fin des années 1950 avec le collectionneur, éditeur et critique d’art Jacques Putman est la suite logique de son évolution dans ce monde qui lui permet d’assouvir sa curiosité. En 1958, elle devient styliste pour les magasins Prisunic en ayant pour leitmotiv de faire accéder toutes les tranches sociales aux « belles choses » destinées à l’univers de la maison. Plus tard, son travail pour l’agence de style Mafia est fortement reconnu. Elle décide ensuite de créer son entreprise, appelée Créateurs et Industriels, spécialisée dans le prêt-à-porter. C’est alors qu’elle fait connaître, grâce à son « flair », des créateurs, devenus depuis des pointures de la mode, comme entre autres Jean-Charles de Castelbajac, Issey Miyake, ou encore Thierry Mugler. Après une période difficile due à la faillite de cette société et à son divorce, Andrée Putman rebondit en créant le bureau Ecart. Elle s’attache alors à la réédition du mobilier des années 30, époque qu’elle apprécie particulièrement, notamment à travers les créations d’Eileen Gray.
3. La révélation de l’Hôtel Morgans
Elle ajoute une nouvelle corde à son arc en travaillant à la conception d’espace : son réaménagement de l’Hôtel Morgans à New York en 1984, où le mariage du carrelage noir et du carrelage blanc en damier est devenu sa griffe (voir photo ci-dessous), est le point de départ à de multiples réalisations d’architecture intérieure à travers le monde : le Sheraton à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, le Im Wasserturm à Cologne, le Spa Bayerischer Hof à Munich , le Lac à Kobé au Japon, mais aussi des boutiques pour Balenciaga, Bally, ou encore Lagerfeld, des bureaux, notamment celui de Jack Lang au Ministère de la Culture en 1984.
© Studio Putman – Andrée Putman, Salle de bain, Hôtel Morgans, New York, 1984
© Studio Putman – Andrée Putman, Spa Bayerischerhof, Munich, 2005
Air France a également fait appel à elle pour la décoration de l’intérieur du Concorde supersonique en 1994.
4. Les appartements d’Andrée Putman
Andrée Putman était également précurseur dans une nouvelle façon d’habiter l’espace : elle prônait le décloisonnement pour donner à chaque lieu la possibilité d’exprimer sa propre fonction. Elle même habitait en 1978 dans un loft(ce qui ne se faisait pas autrefois), une ancienne imprimerie, avec une chambre ouverte sur le salon et recevait ses amis à dîner dans la cuisine.
5. Le Studio Putman
En 1997, le Studio Putman, à la tête duquel se trouve désormais sa fille Olivia, voit le jour. Elle noue alors des partenariats solides avec de grandes marques, comme entre autres Veuve Clicquot, Louis Vuitton, Guerlain ou Christofle. Elle s’est occupée de la rénovation de l’Hôtel Pershing Hall dans le 6ème arrondissement de Paris.
© Studio Putman – Andrée Putman, Boutique Guerlain, Paris
Le Studio Putman édite également du mobilier dessinée par la « grande dame du design ».
© Studio Putman – Andrée Putman, Banc éléphant
En conclusion, c’est une grande ambassadrice du goût français qui vient de s’éteindre, mais son étoile, son style et ses oeuvres continueront de scintiller avec toute la noblesse et l’originalité qu’elle leur a insufflées, comme les petites leds qui recouvrent l’intérieur de ce piano, joliment appelé Voie Lactée, qu’elle a dessiné pour la marque Pleyel…un clin d’oeil à sa vocation abandonnée de pianiste.
© Studio Putman – Andrée Putman, Piano Voie Lactée pour Pleyel